L'objectif
Les équipes
J'ai découvert le milieu de l'éducation spécialisée en 1995, dans le cadre de mon objection de conscience dans une institution spécialisée pour enfants, à la suite de quoi j'ai été embauché à temps partiel pour différentes missions (veilleur de nuit, chauffeur, accompagnateur pendant les camps d'été...). Parallèlement, j'ai commencé à m'occuper d'un enfant autiste chez lui. Un jour, le père de ce gamin m'a proposé de m'occuper d'autres enfants dont les parents avaient besoin de souffler de temps en temps et il m'a mis en relation avec des familles de l'association Sésame Autisme.
Rapidement, j'ai commencé à avoir beaucoup de demandes et Maxime Sajous a été le premier à qui j'ai fait appel pour m'aider, il était encore adolescent. Puis d'autres nous ont rejoints. En 2001, malgré nos difficultés économiques, j'ai voulu aller plus loin, structurer notre activité ; j'ai décidé de créer une entreprise. C'est aussi à ce moment-là qu'on a loué notre première maison.
Entre 1995 et 2001, nous sommes passés de prises en charge individuelles à domicile à l'organisation d'activités collectives, pour que les enfants sortent de leur isolement ; puis à des prises en charge de plus en plus importantes. On a commencé à proposer un accueil de jour comme de nuit. Nous ne comptions pas notre temps, vivions presque avec les jeunes, travaillions quasiment en continu, on dormait souvent sur place. Petit à petit, ça a commencé à se savoir, que quelques uns, quelque part dans la banlieue bordelaise, acceptaient de s'occuper d'enfants très complexes, souvent dans l'urgence.
Jusqu'à notre reconnaissance institutionnelle en 2013, notre organisation est restée très fragile. Ce sont des rencontres et des contextes particuliers qui nous ont permis de poursuivre et de nous développer. Des personnes, d'abord, ont contribué à ce que notre projet ne s'arrête pas brusquement – parce qu'il n'entrait pas dans les clous de l'administration. Il faut souligner l'importance des familles qui ont été de véritables moteurs, mais aussi celle des acteurs institutionnels et professionnels qui ont cru en notre action. Il y a eu aussi des circonstances extérieures, notamment de l'entrée en vigueur du premier Plan Autisme (2006/2010) et donc, la possibilité pour les établissements spécialisés dans les troubles autistiques d'être financés.
En 2013, la signature d'une convention et l'obtention de l'agrément du Département a marqué un tournant. Depuis quinze ans, on bricolait avec peu de moyens, animés par le sentiment de donner une place à des enfants présentant des troubles autistiques ou psychotiques sévères. Désormais, notre projet avait un cadre légal et des financements stables et sa reconnaissance d'utilité publique et sociale, était valorisante – les enfants trouvaient une place, et nous aussi !
En prenant comme point de départ les familles, nous sommes entrés par la petite porte. Il a fallu se battre et faire preuve d'audace. Aujourd'hui, nous avons ouvert plusieurs lieux d'accueil à travers la Nouvelle-Aquitaine pour accueillir des enfants, adolescents et jeunes adultes "sans solution", à qui nous sommes heureux d'offrir une maison.
Témoignage
Cette vie à Tandem, qui consiste à accompagner des enfants atteints de handicap mental sévère, me remue toujours et encore, malgré le temps qui passe, malgré l’expérience. Cette sensation d’éternel recommencement fascine autant qu’elle inquiète. Dans les questions humaines, une immensité s’ouvre à nous ; peu ou pas de vérités, de certitudes. Plutôt des questions : comment accompagner ? Comment tenir ? Comment souffler ? Comment distancer ? Comment humaniser ? Comment expliquer ? Comment comprendre ? Comment se faire comprendre ? Comment créer ? Comment transmettre ?...
Les remises en question rsont fréquentes, mais elles n’entament pas les convictions. Celle que ces enfants, quelles que soient leur différence ou la sévérité de leur handicap, ont droit à une vie la plus digne possible ; c’est-à-dire à la fois ordinaire – jouer au ballon, fêter son anniversaire, décorer sa chambre... et particulière – une existence sur mesure, dans laquelle la bizarrerie peut trouver une place.
Nous ne sommes pas un lieu de soin, pas un lieu d’éducation ; nous sommes simplement une maison. Ce sont des choses dérisoires de la vie que nous nous occupons à Tandem. Et c’est déjà beaucoup.
Dans les affaires humaines, le plus complexe ne peut se développer qu’à partir du plus simple.
D.W. Winnicott